Yann Bouvier, entre enseignant et vulgarisateur

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              Plus connu sous le nom de Yann tout court sur les réseaux sociaux, l’historien aux multiples casquettes a sorti récemment son ouvrage France Fictions. Histoire des idées reçues de l’histoire de France (Perrin / First). Il revient avec nous sur son parcours et notamment sur son rôle de vulgarisateur de l’histoire.

EnQuête D’Histoire : On vous présente de diverses manières : enseignant, vulgarisateur… comment présenteriez vous votre activité ? 

Yann Bouvier : Tout d’abord, je suis enseignant en histoire géographie et également en master 2 d’Histoire Publique à Albi. À côté de l’enseignement, je fais aussi des vidéos historiques. J’ai rapidement remarqué qu’il y avait un espace à combler. Je me suis alors demandé comment apporter quelque chose de différent en m’appuyant sur ma formation de chercheur. Dans ces vidéos, je réagis à tout ce qui touche au passé dans l’espace public et à la manière dont il est “tordu”

 

EQH : Abordez-vous les sujets différemment en fonction de votre position ? 

En tant que professeur, je dois respecter les programmes. Je suis limité dans ma liberté de sujets à aborder. Concernant mon activité de vulgarisateur, les attentes du public sont alors très différentes, j’ai plus de liberté. Malgré tout, les sujets s’imposent parfois à moi en fonction de l’actualité. J’essaie quand même de prendre le temps avant de traiter ces sujets, afin d’avoir le recul nécessaire de l’historien.

 

EQH : Le choix de vos sujets dépendent de l’actualité ? 

Yann : Effectivement l’actualité a beaucoup d’influences sur le choix de mes sujets. J’ai une liste de sujets à traiter, et j’essaie d’en faire un maximum, mais parfois il finit par être trop tard pour en parler. Souvent d’ailleurs, je peux compter sur les commentaires de mes abonnés pour me proposer différents sujets qui les intéressent.. Je fais quelques vidéos longues qui sont souvent liées à des débats récurrents, notamment lorsque l’on voit un discours historique réactivé avec force. Mais ce sont des vidéos sur lesquelles j’ai besoin de l’aide de monteurs professionnels. Mon travail de vulgarisation sur les réseaux sociaux, je le fais seul et c’est parfois compliqué de tout traiter. De même lorsque je fais des debunk, je suis obligé de suivre ce qu’il se dit, et de réagir sur une temporalité plutôt resserrée, même s’il me faut bien sûr prendre le temps de l’analyse et du recul nécessaire pour traiter ces sujets. Si ça semble être seulement un format de réaction, c’est aussi un prétexte pour expliquer des points de méthode historique et montrer comment travaillent les historiens. 

 

EQH : Quelle est la place que vous accordez à  l’humour dans ce genre de contenu ?

Yann : En général, je fonctionne à l’instinct. Dans Microcosme (Microcosme – L’histoire de France à taille réelle, First, 2023), je ne voulais pas que l’humour parasite le propos historique et que la blague nuise à la clarté des faits. Il faut alors plutôt rebondir sur ce que le texte narratif a déjà appuyé. Personnellement, j’emploi plutôt le comique de situation, et je fais rarement des blagues pour faire des blagues. Dans mes vidéos, j’emploie plutôt un registre ironique. Par exemple, lorsque je fais un sujet sur la Terre plate, je m’amuse avec les attentes des spectateurs. C’est plus facile de faire de l’humour en vidéo à mon sens, j’ai beaucoup plus d’idées qui viennent au moment du montage, on peut jouer avec un silence qui n’était pas prévu ou un regard…

 

EQH : Avez-vous des conseils pour les jeunes historiens en herbe comme les enQuêteurs du magazine pour se lancer dans la vulgarisation historique ? 

Yann : Tout d’abord, il faut toujours prendre le temps de se documenter, être en quête de débats historiographiques. Il faut vraiment faire attention à ne pas tomber dans le piège de la simplicité. Un ouvrage, bien que considéré comme fondamental, ne met pas forcément tous les spécialistes d’accord. C’est pour cela qu’il faut trouver ses idées dans les espaces de désaccords, pour mettre le conditionnel là où il est nécessaire. Pour vous donner un exemple, sur la question des Gaulois et des Celtes, Jean-Louis Brunaux [archéologue français spécialiste de la civilisation gauloise] a une position bien tranchée : pour lui, les Celtes sont une population de Gaulle centrale. Mais pour les spécialistes, c’est un ensemble de populations européennes. C’est un petit détail, mais ça permet de mettre en avant un débat, des contradictions. Au-delà de la précision et des exactitudes, il y a toujours un espace d’incertitudes qu’il faut être capable d’expliciter.

Propos recueillis par Anna Aprin, Cyril Cognard, Fanny Harkous et Alice Raynaud.

Retrouvez Yann Bouvier sur : 

Insta : @yanntoutcourt

Youtube : @YannToutCourt

Tiktok : @yanntoutcourt

Crédit image : Yann Bouvier, photographié par Hamza Djenat.

Pour aller plus loin :

Yann Bouvier, Eloi Chevalier, Microcosmes. L’histoire de France à taille humaine, First Editions, 2023

Yann Bouvier (dir.), France Fictions – Histoire des idées reçues de l’histoire de France, Perrin / First Editions, 2025

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