Les Jeux Olympiques de Paris 1924 : Première diffusion en direct

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En 1924, les Jeux Olympiques d’Été bénéficient d’une première radiodiffusion par la radio privée française Radio-Paris. C’est la première fois que les Jeux sont retransmis en direct.

Les Jeux Olympiques (JO) s’imposent depuis plusieurs décennies comme une tradition sportive internationale populaire. La médiatisation de l’évènement permet de renforcer un aspect universel. De nos jours, les JO sont l’occasion de tous se rassembler autour d’une grande compétition multisport et il est simple de la suivre gratuitement à distance à travers une retransmission en direct sur différents supports. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi.

Tandis que les JO de Paris 2024 ont battu des records d’audiences et ont été l’édition la plus suivie de l’histoire, il est pertinent de se pencher, près d’un siècle plus tard, sur Paris 1924. Une édition qui se démarque par une avancée médiatique majeure qui permet une transition des JO de simple compétition sportive en un événement audiovisuel incontournable.

Les JO de Paris 1924, qui se tiennent du 5 juillet au 27 juillet 1924, sont la VIIIe Olympiade et sont les deuxièmes organisés dans la Ville Lumière, alors que la France est encore traumatisée par la Grande Guerre (1914-1918). L’édition se caractérise par plusieurs « innovations » dont les traditions se perpétuent encore aujourd’hui. Toutefois, un des apports est caractéristique de Paris 1924 : il s’agit des premiers JO bénéficiant d’une retransmission en direct à la radio.

Pour l’édition de Paris 1924, le suivi médiatique est sans précédent

La Règle 48 de la Charte olympique stipule que le Comité International Olympique (CIO) doit prendre « toutes les mesures nécessaires afin d’assurer aux JO la couverture la plus complète par les différents moyens de communication et d’information ainsi que l’audience le plus large possible dans le monde ». Dès Athènes 1896, la presse écrite internationale suit de près l’actualité liée aux JO et couvre la compétition, ainsi que les résultats des différentes épreuves. L’évènement attire l’attention de plusieurs journaux de presse européens, dont plusieurs journaux français majeurs, bien que la presse parisienne ne relaye que très peu l’information, même lors des JO de Paris 1900. Pour l’édition de Paris 1924, le suivi médiatique est sans précédent. Pas moins de 724 journalistes accrédités provenant des quatre coins du globe (dont 185 Français) font le déplacement pour ces JO. Certains journalistes provenant de Chine, du Pérou ou de l’Union Soviétique sont présents, bien que leurs pays ne participent pas aux épreuves. Nous observons dès lors la publication de plusieurs articles sur l’événement dans les journaux quotidiens du monde entier.

Radio-Paris retransmet les épreuves commentées partiellement en direct

La transmission sans fil (TSF) est utilisée afin d’obtenir une première retransmission radiophonique en direct des épreuves lors de cette édition. Il est possible de suivre les épreuves en direct même sans être présent sur place. Il n’est plus nécessaire d’attendre le journal de presse du lendemain ou la diffusion différée des épreuves.  La radio permet une immersion à distance de l’ambiance du stade durant les épreuves, ce qui permet d’inclure un plus large public. Ainsi, Radio-Paris retransmet les épreuves commentées partiellement en direct. 

Ce n’est pas la première fois que la radio française couvre en direct un évènement sportif. L’année précédente, le 6 mai 1923, la radio privée Radiola (qui devient Radio-Paris le 29 mars 1924) diffuse le premier reportage sportif en direct lors du match de boxe entre Georges Carpentier et le champion poids lourds Marcel Nilles, avec un compte-rendu donné round par round depuis le stade-vélodrome de Buffalo (Montrouge).

Parmi les journalistes français accrédités, nous retrouvons le journaliste sportif Edmond Dehorter, surnommé le « Parleur Inconnu », considéré comme le pionnier du commentaire sportif. Ce dernier commente également le match de boxe entre Nilles et Carpentier en 1923 et est le tout premier journaliste à couvrir un reportage sportif en direct à la radio française.

 Certains organisateurs interdisent dans un premier temps à E. Dehorter d’être présent dans les stades pour retransmettre les épreuves. Afin de palier à cette interdiction et de suivre au mieux les différentes épreuves qui ont lieu en même temps dans divers lieux, le « Parleur Inconnu » retransmet en direct les JO en commentant depuis une montgolfière. Toutefois, ce procédé fait débat et présente certains soucis techniques, notamment lié à la météo. E. Dehorter obtient finalement l’autorisation de se poster sur place et d’émettre directement depuis les stades pour commenter en direct les épreuves d’athlétisme. 

Grâce à la TSF, d’autres sports, qui n’étaient pas captivants de suivre dû à la logistique des épreuves, deviennent plus palpitants. Le 13 juillet 1924, lors de l’épreuve du marathon, la radiodiffusion permet aux spectateurs présents dans le Stade de Colombes (où les coureurs finissent la course) de suivre les différentes étapes. Un poste émetteur est installé dans une automobile qui suit les marathoniens. Le récepteur se situe dans le stade au centre de la pelouse et les émissions en direct retransmises depuis le véhicule peuvent être entendues grâce à des hauts parleurs. C’est la naissance du car reportage. 

 En plus des épreuves, Radio-Paris couvre, le 27 juillet 1924, la toute première cérémonie de clôture des JO qui se caractérise par le hissage de trois drapeaux : celui du CIO, celui du pays organisateur et celui du pays désigné par le CIO pour organiser l’édition suivante. La cérémonie de clôture est une tradition qui demeure essentielle aux festivités des JO lors des éditions suivantes.

La couverture radio est une grande avancée dans l’histoire des JO. Cependant, tout le monde n’est pas forcément enthousiaste à l’idée de cette innovation. Les organisateurs perçoivent l’arrivée de ce média comme un concurrent, craignant que la retransmission radio ait un impact négatif sur la vente de billets. Une crainte infondée puisque la radio n’impacte pas le nombre de spectateurs sur place.

La TV permet également de suivre les JO en direct

La radiodiffusion devient un procédé qui se développe rapidement dans d’autres pays sur les éditions suivantes. Les JO de 1936 de Berlin sont couverts dans 28 langues dans près de 2500 émissions radiophoniques. Entre temps, la télévision (TV) apparaît en 1926. La première émission de télévision publique en France est diffusée en 1931. La TV permet également de suivre les JO en direct, mais cette fois-ci avec des images claires. Depuis les JO de Stockholm en 1912, les épreuves sont filmées mais la diffusion se fait au cinéma avec un délai de plusieurs jours. En 1936, il n’y a que la cérémonie d’ouverture des JO (servant de vitrine pour la propagande de l’idéologie nazie) qui est diffusée à la TV. Il faut attendre les JO de Londres en 1948 pour avoir les premières épreuves télévisées en direct. Il n’est plus nécessaire d’attendre la diffusion au cinéma des épreuves sportives filmées. En 1960, lors des JO de Rome, la retransmission TV est d’autant plus cruciale puisque, pour la première fois de l’Histoire, la compétition est diffusée en direct simultanément dans le monde entier.

La radio et la TV participent donc à l’engouement populaire des JO au XXe siècle. Paris 1924 s’inscrit comme l’origine de cette diffusion populaire de cette tradition grâce à la TSF et les premières émissions radios commentées qui permettent à son époque une nouvelle manière de consommer et suivre des épreuves sportives de façon divertissante.

 

Crédit photo : Jeux Olympiques d’été de 1924, Stade de Colombes (Hauts-de-Seine). Paris, 1924. CAF. Roger-Viollet.

 

Pour aller plus loin

Articles web :

Au JO de Paris 1924, une innovation grâce à la radio : le marathon en direct – RADIOTSF, https://www.radiotsf.fr/il-y-a-90-ans-une-innovation-grace-a-la-radio-le-marathon-en-direct/ , consulté le 4 octobre 2025.

Il y a 100 ans, les JO de Paris 1924 – Le rocambolesque premier direct radio de l’histoire olympique, depuis une montgolfière – RTBF Actus, https://www.rtbf.be/article/il-y-a-100-ans-les-jo-de-paris-1924-le-rocambolesque-premier-direct-radio-de-l-histoire-olympique-depuis-une-montgolfiere-11397486 , consulté le 4 octobre 2025.

Mai 1923 : le premier reportage sportif en direct sur une radio française – RADIOTSF, https://www.radiotsf.fr/mai-1923-le-premier-reportage-sportif-en-direct-sur-une-radio-francaise/ , consulté le 4 octobre 2025

Quels sont les premiers Jeux Olympiques diffusés à la radio ? – ici, https://www.francebleu.fr/emissions/france-bleu-paris-2024-les-jo-chez-moi-mode-d-emploi/quels-sont-les-premiers-jeux-olympiques-diffuses-a-la-radio-3742771 , consulté le 4 octobre 2025.

ZOOM SUR – COUVERTURE MEDIATIQUE DES JEUX, https://library.olympics.com/default/zoom-media-coverage-of-the-games.aspx?_lg=fr-FR , consulté le 4 octobre 2025.

Ouvrages :

Fabien Wille, « IV. Les médias électroniques », in Le Tour de France : un modèle médiatique, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003, p. 47‑58.

Jean-Michel Peter, « Le patrimoine des JO de 1924 à Colombes : Le tennis en tête d’affiche », in Jean-François Loudcher, André Suchet et Pauline Soulier (dir.), Héritages olympiques et patrimoine des évènements sportifs : Promesses, mémoire et enjeux, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2023, p. 47‑56.

Mustapha Kessous, « Les 100 histoires des Jeux olympiques », 2012.

Thierry Terret, Balades olympiques : Volume 3 – Les chemins médiatiques, L’Harmattan, 2021

 

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